Marion Martineau-Charlot, des Pignons Voyageurs aux RDV de l’Aventure, le vélo comme mode de vie

Sophie
7/3/2023
Lecture 11 min.

Grande voyageuse, Marion a d’abord sillonné le continent américain à vélo de l’Alaska à Ushuaïa avec son compagnon avant de venir s’installer dans le Jura. Son parcours sur la route à vélo l’a amené à vivre des moments inoubliables mais également à dynamiser son territoire. À son retour, elle fonde le Festival Les Rendez-vous de l’Aventure à Lons-le-Saunier. Rencontre.

Peux-tu nous parler de ton histoire avec le vélo ? C’était un rêve de partir pour un grand voyage à vélo ?

 Marion : Je n’ai jamais eu un très bon rapport au vélo. Je me disais tout le temps que c'était pas trop pour moi. Dès qu'il y avait un faux plat montant, je trouvais ça dur. J’adorais voyager, mais souvent en train, en stop ou en bus. Et puis Virgile est entré dans ma vie, mon mari. On s'est rencontré quelques semaines avant qu'il ne parte traverser l’Afrique à vélo, pour un long voyage entre le Jura et le cap de Bonne Espérance. Tout le monde me disait : forcément, tu vas te mettre au vélo Marion maintenant ! Je répétais : non non, ce n'est vraiment pas mon truc. Quand Virgile est rentré, on est parti ensemble, en stop et en transports en commun, en Chine, en passant par la Russie, à bord du Transsibérien. On s'est retrouvé parfois bloqué, dépendant du bon vouloir des gens qui voulaient ou pas nous prendre en stop. On voyait passer des voyageurs devant nous qui arrivaient à vélo, pouvaient s'arrêter et partir comme ils voulaient, qui ne dépendaient de personne, de rien. Et là, je me suis dit, ah ouai, le vélo amène quand même beaucoup de liberté, et permet d'éviter aussi d'être sur des gros axes. J’ai commencé à changer un peu d'avis. Au retour, j'ai dit à Virgile : je crois que je suis prête pour un voyage à vélo. J'avais très envie d'aller en Amérique du Sud, donc je lui ai proposé de traverser le continent américain à vélo. Pour ne pas faire dans la demi-mesure (rires). En 2013, nous sommes donc partis pour 20 mois. 

Si tu devais nous parler de ta meilleure expérience pendant ce voyage à vélo en Amérique, laquelle évoquerais-tu ? 

Marion : Il y a tellement de choses à dire... D'un point de vue nature, l’immersion dans les grands espaces sauvages a été très forte aux Etats-Unis. On est passé par les Rocheuses, sur des itinéraires pistes et chemins, dans des endroits somptueux, en communion avec la nature et nos vélos. Dans un autre registre j'ai beaucoup aimé la Colombie, pour les rencontres. C’est un pays qui aime beaucoup le vélo, il y a pas mal de cyclistes avec qui on partageait des fois des bouts de route. Enfin, un peu dans le même registre que les vastes espaces sauvages des Etats-Unis, le Pérou fut vraiment très marquant. Nous roulions essentiellement en montagne, en passant trois mois entre 4000 et 5000 m d'altitude. Même si les conditions étaient très dures, c'était de vrais moments d’émerveillement et de dépassement de soi.

Avec un peu de recul, que t’as apporté ce grand voyage à vélo ? 

Marion : Toute la liberté qu'amène le voyage à vélo m’a immédiatement séduite. Alors que l'effort physique pouvait apparaître comme étant repoussant, en pensant qu'on ne sera jamais capable d’un tel voyage d'un point de vue physique, en réalité, être dans un itinéraire au long cours apporte beaucoup de confort, dans le sens où l’on a à s'occuper que de rouler, trouver à manger, savoir où l'on va dormir et regarder l'itinéraire. Tout cela m'a apporté une liberté “intellectuelle” en quelque sorte, aucunement parasitée par toutes les choses qui peuvent nous entourer dans notre quotidien. Ça a été vraiment très enrichissant. Ressourçant. 

Tu dirais qu’une telle aventure à vélo est accessible à tous ?

Marion : Quand on est arrivé en Alaska pour le début de notre périple, je venais tout juste de passer deux ans à Paris avec un rythme professionnel assez soutenu, et une hygiène de vie vraiment pas terrible. Je n'étais pas en bonne forme physique et je ne m'étais pas du tout entraînée. Mais tout s'est fait au fil de la route. On a commencé tranquillement en faisant 40 ou 50 km par jour, et puis au fur et à mesure, ça devenait de plus en plus facile, les muscles se sont organisés et le mental est arrivé. Rapidement, j’ai pris du plaisir dans l’effort. Mais vraiment, c'était pas gagné d'avance. Voilà ce qui est chouette dans le vélo, c'est accessible à tout le monde. Si on se dit que c'est trop dur, on ralentit, et on en fait un peu moins. Personne ne nous met la pression. Chacun choisit son rythme.

Peux-tu nous dire comment on se retrouve à créer l’un des plus importants festivals de l’aventure, du voyage et de l’exploration en France ?

Marion : La fin de notre voyage était un peu spéciale car Virgile a été accidenté. Il a perdu sa mobilité pendant plusieurs mois. On n’avait pas le choix, on était obligé d'être sédentaire. On s'est dit, bon, on ne peut plus voyager, et bien on va faire venir des voyageurs à nous dans le Jura. Et le festival les RDV de l’aventure à Lons-le-Saunier est né ainsi. On avait envie de continuer à garder un pied dans l'aventure, à nous nourrir d’histoires de voyage, à faire des rencontres. C'était un peu égoïste au départ, mais aujourd'hui je crois que ça plaît à plein de monde. 

De votre côté, vous êtes arrivés à vivre de belles aventures à vélo en France ?

Marion : Quand Virgile allait mieux, on est remonté en selle sans attendre, et on a vraiment découvert les joies du vélo dans notre environnement proche. On n'avait très peu voyagé en France. En roulant juste quelques kilomètres, on a retrouvé les mêmes réflexes que dans un voyage au long cours, avec le même enthousiasme face à la découverte. Voyager en France à vélo, ça a un avantage fou. En seulement 3-4 jours, on arrive à déconnecter autant que si on était allé au bout du monde. Par exemple, quand on avait fait 4 000 km au Canada, c'était de grands espaces, magnifiques, mais très monotones finalement dans les paysages traversés, là ou en France, en 4 jours on passe des montagnes à la Provence dans une diversité inégalable. On a découvert pleins d'endroits lors de la Grande Traversée du Massif Central en VTT ou sur les Chemins du Soleil de Thonon à Marseille avec des morceaux magiques dans les préAlpes notamment. Et bien sûr, le Jura entre les fermes de Comté et les vignobles… Avant tout, je crois qu’on aime la simplicité dans le voyage à vélo : partir directement de chez soi sans n’avoir rien d’autre à organiser, c’est idéal. 

Vous voyagez toujours à vélo aujourd’hui ?

Marion : A vrai dire, on ne sait plus trop prendre de vacances sans être à vélo. On a du mal à faire autre chose. C'est un peu compliqué pour nous (rires). On a eu deux enfants, et dès le début, on a eu envie naturellement de partager notre passion avec eux. Notre premier voyage à vélo avec notre fils, il avait 13 mois, et nous sommes partis pour un tour de France des copains à la sortie du confinement. Bien sûr, on a appris à être moins ambitieux, on ne compte plus en kilomètres, mais en temps passé sur le vélo, pour que ce soit agréable pour tout le monde. On s’arrête souvent, on voulait aussi qu’il puisse profiter des pauses, et ne pas être que dans sa carriole. 

Quels conseils donnerais-tu à des personnes tentées par le voyage à vélo mais avec moins d’expérience que vous ?

Marion : Si l'envie est là, c'est l'essentiel. Pourquoi ne pas essayer une balade à vélo avant un grand départ ? Sur 3-4 jours, pour voir un peu si on accroche, tester l'organisation. Je crois que quand on a un peu peur, on a tendance à trop se charger. De tester, cela permet de voir ce qu'on utilise et ce qu'on utilise pas. Parce que le plus important à mon avis, pour éviter qu'un voyage à vélo ne tourne à l'horreur, c'est d'essayer d'être le plus léger possible. Plus on va être chargé, plus ça va être dur. Essayer aussi de ne pas être trop anxieux du point de vue du nombre de kilomètres par jour à parcourir. Je crois que ce n’est pas la peine de se mettre la pression ou de vouloir en faire trop. 

Peux-tu nous en dire un peu plus sur le festival les Rdv de l’Aventure cette année ?

Marion : La 8ème édition va se dérouler du 16 au 19 mars. On aborde le voyage, l'exploration et l'aventure de manière très large à travers des films, des livres et des rencontres. Cette année, on accueille un groupe d'amis qui a réalisé la grande traversée du Jura à vélo en relevant le défi “zéro déchet zéro carbone”, en s'équipant intégralement avec du matériel d'occasion, et en trouvant pleins de trucs et astuces pour réduire au maximum leurs déchets en voyage et leur impact en général. L’idée est aussi de faire passer le message que le vélo est vraiment à la portée de tous, qu’il est possible de partir près de chez soi et sans posséder l'équipement dernier cri. On a commencé à développer une “aventurothèque”, où l’on propose du matériel, comme des sacoches que l'on peut prêter à des voyageurs qui veulent tester une balade à vélo en France sans investir tout de suite. Enfin, ce festival, chaque année, sème pleins de petites graines. On commence à avoir des retours de gens qui nous disent : “ je suis venu à votre festival, et ça a été déclencheur, et du coup, je pars réaliser ce voyage”. Venir au festival, c’est parfois ranimer des rêves et se dire pourquoi pas moi ? 

L’aventure de Marion et Virgile aux Amériques : 

https://pignonsvoyageurs.wordpress.com/

Les RDV de l’Aventure : 

https://www.rdv-aventure.fr/

Sophie
Ecrit pour Itinérances. Le blog du voyage en quête de sens

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